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Permaculture urbaine : Le centre Tinku à Quito

Permaculture Urbaine

Présentation du centre Tinku :

Le centre Tinku est un jardin de permaculture urbaine, d’environ 500m², situé dans le quartier de Las Casas en plein centre-ville de Quito, en Équateur. Avant 2010, la parcelle appartenait à un particulier qui l’avait laissée en friche (autre version: c’était un terrain de basket abandonné), puis la fondation « Runakawsai » créée pour l’occasion, a racheté le lieu pour en faire un jardin permacole. Runakawsai est une ONG – dont l’action de développement s’étend à tout l’Équateur – détenue par deux frères Équatoriens qui s’occupent du lieu et en sont les administrateurs. Ils se sont formés grâce aux théories de « Bill Mollison », un biologiste Australien et l’un des premiers « fondateurs » de la permaculture. Au sein même du lieu existe une petite école maternelle Warldorf, une pédagogie alternative qui rejoint en partie les valeurs du lieu.

La petite école Waldorf, réalisée en suivant des méthodes d’éco-construction en bambous, enduits terre et matériaux recyclés, qui cohabite sur le centre culturel Tinku.
On aperçoit quelques cultures à gauche et au fond la haie de bambous. Sur la droite de l’école on voit un espace enherbé qui sert d’accueil pour les enfants,
leurs parents et les étudiants en permaculture et autres visiteurs.

Fonctionnement du lieu :

Il n’y a qu’un seul salarié sur ce site, et c’est l’un des deux frères qui gèrent et travaillent quotidiennement dans le jardin. Il y a aussi Suzie avec qui nous nous sommes longuement entretenus, elle est en SVE (Service Volontaire Européen), financé par l’Europe, depuis plus d’un an. Elle a étudié les sciences politiques en Allemagne puis a cherché un lieu en Equateur où faire son SVE dans la permaculture. Elle nous explique qu’il y a plein d’acteurs différents qui gravitent autour du lieu dont plusieurs bénévoles habitant dans le quartier, jusqu’à 4 volontaires (selon l’affluence de candidatures…) et une amie qui cultive et entretient le jardin en créant aussi ses propres revenus à partir de la vente de plantes, légumes… Deux chats et deux chiens habitent aussi dans le jardin, tels les gardiens du lieu, et cela nécessite donc une présence quotidienne pour s’en occuper.

Les « camas » (carrés) en culture où apprennent les enfants et autres élèves.
Au fond, les bureaux, salles de classe ou d’atelier, etc.
Tableau d’organisation des tâches plus ou moins quotidiennes sur le lieu, réparties entre chaque personne.

Quelles activités dans ce jardin de permaculture urbaine ?

L’activité principale est agricole : il y a plusieurs « camas » (« parcelle »)  dans le jardin. Elles sont très différentes car ils essayent de cultiver différentes variétés (légumes, plantes aromatiques, céréales, fleurs, arbres fruitiers, plantes…). Cela permet d’expérimenter différentes formes de permaculture (avec couvert de feuilles mortes, avec du paillis, en mandala, en rang, sous serre, en associations de culture -maïs-courge-fèves). A Tinku, la plupart des parcelles sont composées de plantes très diverses, de cette manière l’espace restreint est optimisé et les plantes s’apportent mutuellement et sont donc complémentaires pour améliorer leur santé et leur croissance.

Une haie de bambous a été plantée sur tout un côté du jardin pour protéger les cultures du vent, filtrer l’eau, créer un corridor de biodiversité plus ombragé et humide et aussi pour fournir un bois de construction léger.

permaculture Tinku

A Tinku, l’agriculture se fond dans la biodiversité. Elle s’en nourrie et y contribue en même temps.

Le jardin des plantes à graines, pour la reproduction, devant l’atelier de bricolage
Extrait de l’étagère banque de graines.
Exemple d’une « cama » (planche) cultivée avec du chou kale, du chou rouge, des blettes, du persil…
Des tomates sont cultivées dans la planche du premier plan.
Il y a des salades, d’autres plantes plus fragiles et parfois des plans sous le tunnel plastique à l’arrière plan.

Cette production agricole permet de créer de petits revenus pour le lieu via la récolte-vente sur place ou les ventes occasionnelles au marché, de nourrir des voisins dans le besoin ou encore de cuisiner sur place. Cela nous amène à une activité plus secondaire du centre Tinku: la cuisine. Il y a une petite cuisine extérieure aménagée pour l’utilisation collective. Les personnes qui vivent ou travaillent sur le lieu peuvent ainsi se faire à manger avec la production du jardin. Cette activité est aussi tournée vers l’extérieur car le centre propose également des ateliers de cuisine vegan, même si c’est assez rare car la demande n’est pour le moment, pas très forte. Suzie nous explique qu’elle en a déjà donné quelques uns mais que c’est insignifiant par rapport aux cours sur le compostage. Les biodéchets produits quotidiennement en cuisine nourrissent les vers et autres micro-organismes du compost qui retournera nourrir la terre et les plantes. Le compost est donc le lien essentiel qui permet de boucler le cycle de l’alimentation. Les expérimentations et activités de compostage sont très importantes ici car cela produit un fertilisant agricole, cela recycle les déchets de cuisine du centre et du quartier environnant et crée ainsi du lien social avec les voisins, et enfin cela crée des revenus par la vente de compost et les cours de compostage. Comme on peut le voir sur les photos ci-dessous, les expérimentations sont variées: Bocashi (technique japonaise de compostage par fermentation et biodigestion), compost en tas, lombricompost (compost plus fin et plus végétal digéré par des lombrics), etc.

On parle aussi souvent du design en permaculture. Ici le design agricole est donc très important mais il concerne aussi l’architecture et donc les constructions. Les bâtiments sont tous très utiles sur ce lieu: cours, stockage, rangements, bureaux, serres, plants et semis, atelier, hébergement, commodités… Sachant que le lieu fonctionne avec des moyens financiers assez faibles, beaucoup de choses sont faites en matériaux recyclés (palettes, bouteilles, etc), en terre, en bambou local ou parfois en ciment dont le coût reste assez faible. L’activité de construction est donc non négligeable dans le centre Tinku, et elle est aussi utilisée sur le plan pédagogique. Certains bâtiments sont construits au travers de cours donnés à des élèves d’écoles d’architecture ou aux voisins qui s’y intéressent. Comme pour le reste, c’est un centre de permaculture donc les techniques enseignées préservent l’environnement, utilise des ressources simples et locales et des techniques facilement transmissibles, etc.

Le bambou est beaucoup utilisé car c’est une plante qui pousse vite et favorise la vie végétale par sa gestion de l’eau (en particulier la « Guadua »).
On utilise aussi la terre car c’est une ressource locale, très abondante et trouvable partout.

L’eau est un sujet suffisamment préoccupant et une ressource essentielle pour être une activité à part entière dans ce lieu. De nombreux systèmes de récupération d’eau sont installés aux quatre coins du lieu, parfois associés à des systèmes de filtration. Le centre a investi dans une citerne pour avoir des réserves plus importantes car la ressource vient vite à manquer et reste primordiale à la majorité des activités. C’est ainsi que le lieu a lancé une campagne de financement participatif pour accroître sa capacité de stockage d’eau. Certains éléments du design de permaculture participent à la gestion de l’eau, tels la mare, source de biodiversité, d’humidité, de faune (grenouilles, poissons, insectes..) et de flore (roseaux, nénuphars…) ou le jardin mandala qui stocke et redistribue naturellement l’eau.

Water tank Tinku

Modèle économique, relations humaines et insertion locale:

La plupart des activités de ce lieu sont également enseignées. Le centre est une école qui sert d’exemple, de modèle, et à chaque fois que quelque chose est fait, c’est l’occasion de transmettre des connaissances. Les cours qui y sont donnés sont variés et leurs tarifs sont différents. Néanmoins le centre a développé un cours spécifique de plusieurs semaines débouchant sur un diplôme de permaculture. Cet enseignement est d’ailleurs plutôt reconnu et permet un apport financier fixe non négligeable pour le bon fonctionnement du lieu.
En effet, l’aspect financier est une part importante de la bonne santé d’un lieu. La fondation permet parfois d’alimenter le projet par les donations qu’elle reçoit, mais sans les divers cours de permaculture le centre Tinku n’aurait pas d’équilibre économique. Le partage du lieu avec quelques autres acteurs comme l’école est un autre avantage que le centre a su développer, permettant une rentrée d’argent fixe.
Il y a également des revenus ponctuels beaucoup plus variables qui correspondent à la vente de la production de compost-engrais, de fruits, légumes et herbes, graines ou plants… Enfin, les forces humaines (bénévoles, volontaires) participant en donnant de leur temps libre au développement et à la vie du lieu sont indispensables et permettent sont bon fonctionnement.
Néanmoins, la vie collective sur un tel lieu reste un défi de tous les jours, et Suzie (en SVE à Tinku, c’est elle qui a été notre interlocutrice et guide lors de notre visite) n’est pas sans nous parler des tensions, conflits mais aussi rencontres incroyables qui se passent sur le lieu. Elle nous explique que la répartition des tâches n’est pas toujours bonne, qu’il y a des conflits d’intérêts entre certaines personnes, qu’une meilleure organisation permettrait parfois de moins se fatiguer… ça nous rappelle nombre de projets ou tiers-lieux que nous avons connus ou même vécus.

Le centre Tinku est une petite oasis de nature et de biodiversité en plein Quito, il est donc très bien accepté à l’échelle du quartier et même plus largement. Beaucoup d’Équatoriens profitent du lieu et notamment des étudiants en agronomie ou en design, de nombreux voisins du quartier utilisent le dépôt de déchets organiques ou viennent acheter quelques produits du jardin. Les parents des enfants de l’école font aussi partie des personnes qui fréquentent le lieu et sont plutôt issues de classes sociales moyennes à élevées, comme la majorité de la fréquentation du lieu, un peu à l’image du quartier. C’est donc pour nous un lieu très inspirant, qui permet de ramener les préoccupations environnementales au centre du sujet tout en les utilisant pour créer du lien social.

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